É C H O S

Éclairs poétiques à deux voix.

Il y a plusieurs mois, j’entamai une longue quête pour trouver une auteure qui correspondrait au projet Échos : écrire à deux voix, l’une se faufilant dans les vagues de l’autre, sans préparation, sans artifices, comme deux vents qui s’entremêlent. Cette expérience trouvait son essence dans le fait que nous devions être de parfaits inconnus l’un pour l’autre. Et puis, un jour, le hasard m’a entraîné sur le territoire hypnotique d’Aurélie Fauvain. Ce fut la révélation. Aurélie est une sorte de filament brut qui, lorsqu’il vous effleure, vous électrifie. Elle n’est pas constituée de demi-mesures, quand vous lisez ses mots c’est son entièreté qui vous saute au visage et au cœur. C’est ce que je cherchais, être transporté, malmené, subir des chutes sans filet. Elle a accepté immédiatement. 

Notre symbiose s’est écrite spontanément alors que nous ne savions rien l’un de l’autre. C’est l’ADN d’Échos : une dualité dans un brouillard lumineux où nous nous percutons à nus. 

Malo.

Lorsque Malo m’a demandé d’écrire avec lui, je n’ai pas réfléchi. Il n’était pour moi qu’un parfait inconnu dont je n’avais jamais lu le moindre poème et pourtant je lui ai dit oui, sans attendre. Étrange, non ? Et c’est ce qui me plaît dans ce projet, son audace, ce petit quelque chose qui nous dépasse et qui nous fait la grâce de son évidence. On ne se rencontrera probablement jamais et pourtant, chaque jour nos voix se mêlent et se répondent comme autant d’échos qui se cherchent, se confrontent et se confondent à demi-mots. Merci d’avoir osé, Malo.

Aurélie.

Aurélie Fauvain publie ses écrits sur le compte Instagram @ombresfauves 🪶

Le processus d’écriture suit un défilé d’inspiration spontané. Rien n’est préparé, pas de thème imposé. L’un.e pose une phrase, des mots et l’autre enchaîne librement. Le texte est stoppé d’instinct et le titre est choisi par celui ou celle qui n’a pas commencé.

Ci-dessous, les textes nés de nos échos.

Les Éraflés 

Il y a une déchirure dans le mur,
Là, une ouverture entre mes doigts,
Un désir noir sillonne ma peau
Fissure mon cœur de haut en bas.
Alors je hurle des silences,
J’écorche les mots avec ma voix,
Je cueille nos fleurs ivres d’amour
Avant qu’elles gèlent entre nos bras.
Qu’importe nos chaleurs ou nos froids,
Les flétrissures de la mémoire,
Nous entrerons nus pour toujours,
Petites balafres dans le mur.

Désir Textuel

Lis entre mes lignes, mes interstices, 
Ouvre mes virgules, donne-leur des ailes,
Laisse-moi vibrer en points d’exclamation,
Enveloppe-moi dans tes parenthèses.
Joue de mon rythme, de mes silences,
Accorde-moi au roulis de ta langue,
Fais danser mon verbe en italique,
Déchiffre tous les codes de mes sens.
Imprime la frappe de mes caractères,
Souligne-les du bout des lèvres,
Apprends et retiens-moi par cœur,
Que jamais tu ne m’oublies.

Fille d’un soleil éteint.

Immobile face au miroir, un filament de lumière vient effleurer mon visage. Son or chatoie doucement, filtré par les volets clos. La chaleur est consignée dehors, à perpétuité. C’est la dérive du plein été, quand le jour n’en finit plus de s’étirer et de prélever son tribut de poussière à mordre.

Mon ombre a pris peur. Elle s’est enfuie loin sur le mur, loin du vide qui m’appelle et aspire les heures, à contrejour. Je suis aussi effrayée qu’elle, mais je reste là, sans bouger. Une voix en moi intime un sursaut, mais son écho, plus sourd encore, fomente l’absence. Je m’absorbe entièrement dans la contemplation de ce corps.

Sa peau d’albâtre semble vouloir le déguiser de lumière, mais mon regard sait, il n’est pas dupe. La blancheur s’étiole et laisse entrevoir l’obscurité qui sommeille.

Ce corps est le mien, le miroir ne ment pas et pourtant son reflet ne me dit rien. Je regarde sans voir les contours de mes hanches, de mes seins, le ventre creusé de ne pas avoir faim, la toison plus sombre qui recouvre mon sexe et la chevelure floue qui m’enserre la tête.

Je ne vois rien. Je suis née blanche et blonde, mais je suis fille d’un soleil éteint.

Ressac

Paupières brûlées au sel des marées
montantes,
Des éclats de nuit lui transpercent les yeux.
Souvenirs disloqués d’une voix
traversante, 
Un éclair métallique déchire les cieux.

Sans bruit

Matin fauve, la brume expiait les traces de nos corps enfiévrés. 
Le temps avait retourné son sablier, il avait plu des heures toute la nuit.
Tu suivais du doigt des ondulations
invisibles sur la vitre. 
Je restais immobile, figé dans ton silence
démesuré. 
T’aimer si fort pour me réveiller dans une chambre froide et sans soleil.